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« En système intensif, je privilégie les taureaux sans cornes »

Génétique. Avec une charge de travail importante, les associés du Gaec des Champs Perrin utilisent la sélection, et notamment les taureaux sans cornes, pour obtenir des animaux adaptés à leur système, et robustes.

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Notre objectif est de simplifier le travail et de l’organiser au mieux », lance Patrice Pécheul, éleveur à Éréac (Côtes-d’Armor). Jusqu’à l’installation de son épouse Anne en 2009, il conduisait l’exploitation avec Alexis Berhault, son salarié. Un robot de traite a été installé en 2008 pour un troupeau de 60 vaches. L’effectif est monté à 85 en 2009 et une stalle ne suffisait plus. Une deuxième a été posée en 2010.

Aujourd’hui, l’élevage compte 95 laitières, mais le bâtiment n’offre que 85 logettes et 70 places au cornadis. Patrice assume son choix d’un système intensif avec des vaches à 10 000 kg de lait qui ne pâturent pas beaucoup. « Nous sommes trois, nous devons dégager un certain volume de chiffre d’affaires pour être rentables. Et nous tenons aussi à prendre plaisir à travailler, surtout en ce moment. »

« Je sélectionne moins sur l’Isu »

La sélection génétique fait partie des outils permettant de simplifier le travail. L’objectif est de faire naître des animaux bien adaptés à l’élevage et en bonne santé. Patrice a revu sa stratégie de sélection depuis qu’il est passé en logettes. « Avant, je regardais surtout l’Isu et cela me convenait bien. Avec les logettes, cela ne suffit pas. Il faut être beaucoup plus vigilant sur les membres, et sur la morphologie en général. » Il tient également à conserver un potentiel laitier élevé, même s’il a perdu un peu depuis qu’il a changé ses critères. Les accouplements sont faits avec l’inséminateur. L’éleveur lui donne ses priorités et il les rentre dans un logiciel qui fait des propositions et des simulations. « Nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes. Nous avons besoin de nous appuyer sur des partenaires dignes de confiance. »

« Les porteurs ont un toupet plus arrondi »

Patrice a utilisé un premier taureau sans cornes en 2010. Après ce test concluant, et alors que le niveau génétique des taureaux disponibles a progressé, il a décidé de développer cette stratégie. Il y voit de multiples avantages. Tout d’abord, l’écornage des veaux est considéré comme une corvée dont il se passerait volontiers. Et cela demande du temps. Ensuite, la période de zéro à six mois est cruciale pour les veaux. L’éleveur a déjà modifié sa conduite durant cette période pour réduire le stress. Il donne le même aliment (mash) sur toute la période pour éviter les transitions alimentaires. Les veaux restent dans des niches jusqu’au sevrage pour réduire le stress lié au changement de local.

Mais l’écornage reste une épreuve pour les veaux et l’éleveur a parfois constaté des explosions de coccidiose après cette opération. Les veaux naturellement sans cornes ont de meilleures croissances.

« Soigner les animaux malades prend du temps et les retards de croissance coûtent cher », remarque-t-il. Le caractère sans cornes (P) est apparu sur certaines souches à la suite de mutations génétiques spontanées. Il est dominant et si le père est homozygote (PP), tous ses descendants seront sans cornes. Sinon, la probabilité est de un sur deux, sauf si la mère porte déjà ce caractère. Mais peu de mâles sont homozygotes. Il faudra donc du temps pour faire disparaître les animaux cornus d’un troupeau. D’autant plus que l’éleveur tient à poursuivre l’amélioration du progrès génétique sur d’autres postes.

Pour repérer les veaux potentiellement sans cornes, Patrice se sert de l’informatique. Ensuite, il observe les animaux. « Ceux qui sont porteurs du caractère ont un toupet plus arrondi. Le poil frise moins au niveau du bourgeon. En surveillant, on voit que le bourgeon ne pousse pas. » Patrice reconnaît que la méthode n’est pas infaillible.

« Le génotypage tous les deux-trois moispour le repérage »

Le génotypage est complémentaire de cette stratégie car il permet de savoir à coup sûr quels sont les animaux porteurs. Mais il existe un décalage dans le temps. « Je fais des lots d’une quinzaine de veaux et le génotypage est effectué tous les deux-trois mois. C’est souvent un peu tard pour l’écornage. » Pour le moment, le troupeau est en phase de transition et il compte plus de vaches cornues qu’avant ! Car certaines passent à côté de l’écornage. En 2015, sur neuf veaux issus d’une insémination avec un taureau sans cornes, quatre femelles sont nées naturellement sans. Cette année, 33 IA étaient prévues avec des taureaux sans cornes, en priorité sur les vaches déjà porteuses du gène pour avoir plus de chance que le caractère s’exprime. Quand il y aura des vaches homozygotes, toutes donneront naissance à des veaux sans cornes. « Mon objectif est de parvenir à 100 % de vaches sans cornes, même si cela demande un peu de temps. »

Car c’est là que la démarche prend tout son sens : la question de l’écornage ne se pose plus.

Patrice produit et vend des embryons et pense que le caractère sans cornes peut devenir un avantage. Car tous les éleveurs seraient heureux de se débarrasser de l’écornage. Il souligne que la recherche d’animaux sans cornes redonne de la motivation pour la sélection. « Contrairement à d’autres caractères dont on n’évalue pas immédiatement la transmission, là, on sait tout de suite si le gène est passé ou pas. »

Par ailleurs, Patrice pense que le bien-être animal deviendra un enjeu essentiel, sous la pression des consommateurs. Les règles concernant l’écornage pourraient donc évoluer.

Pascale Le Cann

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